La production du citoyen républicain est au coeur du projet pédagogique de l’école laïque. Les «manuels d’instruction civique et morale» furent un de ses instruments privilégiés. Yves Déloye analyse le contenu d’une soixantaine d’entre eux, en les comparant aux manuels «d’éducation morale et religieuse», contre-feu allumé par l’école privée, en l’occurrence catholique. «Mettre en évidence les arguments et les thèmes typiques de chacun des deux systèmes de socialisation qui tentèrent, contradictoirement à cette époque (1882-1925), de fixer le contenu et les frontières de la citoyenneté»: tel est son propos. La période est cruciale: la IIIe République naissante dénoue, par la laïcité, le lien ancestral de l’éducation et de la religion, devenue affaire désormais strictement privée.
La rupture est d'importance. Elle inaugure une nouvelle manière d'être au monde, de vivre, de croire et de penser, dans laquelle la société des hommes est à elle-même son horizon, sa propre fin et sa transcendance. Une révolution, en somme, dans l'intégrisme religieux qui avait jusque-là régné et dont on mesure encore mieux, aujourd'hui que ce système est à nouveau menacé, la considérable portée libératrice.
Rien d'étonnant, donc, à l'explosion d'une guerre scolaire, mobilisant autour du front des manuels les combattants des deux camps. Les créateurs de l'école publique Ferdinand Buisson, Félix Pécaut, Jules Steeg, par exemple, tous trois protestants libéraux (mais ils ne furent pas les seuls) s'i