Rose ou noire, l'histoire de la colonisation, estime Marc Ferro, n'a jamais fait jusqu'ici qu'exposer «les différents points de vue de la Métropole». En faisant se succéder, par exemple, grandes découvertes, expansion coloniale, impérialisme puis décolonisation, elle secrète un européanocentrisme propre à accentuer la vision du monde imposée par l'homme blanc. La colonisation, poursuit l'auteur, ne fut-elle pas aussi grecque, romaine, ottomane, chinoise, japonaise? D'où la nécessité selon lui de «sortir l'histoire de la colonisation du ghetto dans lequel la tradition l'a enfermée» et d'adopter un autre «dispositif», fondé sur un double parti pris cher à l'école des Annales, celui de la longue durée et celui de la mondialisation. Si elle peut par endroits apparaître discutable (ne court-on pas le risque d'appeler colonialisme toute politique d'expansion territoriale et de banaliser ainsi les formes de la domination européenne?), la démarche n'en est pas moins opératoire pour qui veut saisir dans toute son étendue le phénomène colonial.
Elle conduit en tout cas à un ouvrage dont la structure est inhabituelle en histoire. Délaissant la stricte relation chronologique au profit du principe comparatiste, le livre s'attache à évoquer d'abord les diverses motivations de l'expansion coloniale (l'or? Dieu? la civilisation? la puissance de l'Etat?), puis les acteurs du processus, leurs rivalités et leurs réalisations, avant d'envisager les différentes modalités de rupture de l'ordre col