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Libération

""La Chine romanesque. Fiction d'Orient et d'Occident"": La grande muraille des signes

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publié le 19 janvier 1995 à 0h09

Histoire littéraire

Jean Levi, LA CHINE ROMANESQUE. FICTION D'ORIENT ET D'OCCIDENT. Seuil, «La Librairie du XXe siècle», 460 pp., 160 F.

Si Jean Levi approche l'univers romanesque de la Chine par le détour de la tradition littéraire occidentale, ce n'est certainement pas en raison d'une soudaine conversion aux vertus du comparatisme, en littérature comme ailleurs. Ce n'est pas non plus, ou pas seulement, pour «jeter un dernier regard sur le territoire que l'on quitte» avant d'entamer l'étude d'un univers exotique. C'est plutôt pour donner un gage de retour et se doter d'un puissant sauf-conduit, utile à tout moment pour franchir, dans un sens et dans l'autre, des frontières si éloignées dans l'espace et dans le temps. Sinologue et chercheur au CNRS, Jean Levi est passé maître dans ce type d'exercice: traducteur de chinois (dont les Trois Royaumes, Flammarion 1988), il écrit des romans (le Rêve de Confucius, Albin Michel, 1989) et des essais remarqués (les Fonctionnaires divins. Politique, despotisme et mysticisme en Chine ancienne, Seuil 1989; le Fils du ciel et son annaliste, Gallimard 1992).

Le langage et le rite Bien avant la parole romanesque, ce qui semble séparer l'Occident de l'Orient, c'est la parole tout court, son statut, son importance. Alors que dans nos sociétés le langage conditionne les structures du réel, en Chine, c'est le rite. Dès lors, l'opposition sera ici entre l'oral et l'écrit, et là entre le geste et le discours. L'écriture alphabétique et ce qu'elle i