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""Le détour et l'accès"": Eloge de l'allusion

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publié le 19 janvier 1995 à 0h09

Eloge de l'allusion

Philosophie François Jullien, LE DETOUR ET L'ACCES. Grasset, «Le Collège international de philosophie», 464 pp., 145 F.

L'Occident aime le franc-parler. Parler «sans détour» est une vertu morale. Mais on loue la franchise aussi et surtout parce que c'est d'un discours clair qu'émerge la vérité. Par contre, quand on s'empêtre dans les mots et que l'on ergote, on nous dit que l'on «chinoise». Chinoiser, c'est mal ­ «subtiliser à l'excès», disent nos dictionnaires. Mais pas seulement non plus: sous les chinoiseries, il y a la moquerie, les insinuations, les insultes déguisées, la diffamation codée ­ il y a du mensonge en puissance quand il y a du désordre dans les phrases. En bref, comment faut-il que l'on dise les choses? Sans fard, dans un langage qui sera d'autant plus accessible aux autres qu'il sera lui-même un accès direct à la vérité ­ Et comment faut-il éviter de parler? De façon alambiquée, en effectuant des détours qui ont pour seul effet de saouler les esprits. Dans la topologie universelle des langues, il existerait ainsi une opposition géométrique entre la ligne droite efficace du dire-vrai (qui dessine le palais de la science), et la vanité d'un langage courbe, seulement «subtil» et purement «allusif» (au salon des ronds de jambe).

Une stratégie du sens Le titre et le sous-titre du dernier ouvrage du philosophe et sinologue François Jullien, le Détour et l'accès, Stratégies du sens en Chine, en Grèce, sont laconiques comme si l'auteur tenait préci