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Libération

Miguel Torga en terre

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publié le 19 janvier 1995 à 23h47

Dr. Adolfo Rocha. Medico especialista. Ouvidos. Nariz. Garganta.» La

pancarte est accrochée sous les fenêtres du premier étage d'un immeuble de la place de l'Octroi, en plein centre de Coimbra, très vieille ville universitaire du centre du Portugal. C'est là qu'on pouvait rencontrer, tous les jours jusqu'à ces dernières années, le docteur Rocha, alias Miguel Torga, sans doute le plus grand écrivain portugais de l'heure, jusqu'à sa mort mardi 17 janvier à l'âge de 87 ans. Son cabinet était un véritable capharnaüm: les piles de livres s'entassaient sous la table d'auscultation et le bureau du praticien était encombré d'autant d'ordonnances que de manuscrits. De cet antre, où il écrivit la plupart de ses livres, Miguel Torga parlait comme d'un «trou» où il espérait «mourir en douceur», et qui, du fait de son double usage, lui faisait «penser à ces services d'espionnage qui affichent un nom commercial sur leur porte, à titre de couverture».

Le domicile de Miguel Torga se trouvait sur les hauteurs de la ville, sis rua Pessoa. Ce n'était pas qu'une heureuse coïncidence. Les deux écrivains s'étaient rencontrés à la fin des années 20, autour de la revue Presença, alors fer de lance du mouvement moderniste portugais. Fernando Pessoa était l'aîné, et lorsque celui qui signait encore Adolfo Rocha lui fit lire son second recueil de poèmes, l'auteur du Livre de l'intranquillité loua sa «sensibilité», tout en lui faisant quelques remarques sur sa «façon d'en user». Torga en fut un temps vex