Graham Swift, LA LEÇON DE NATATION et autres nouvelles, traduit de
l'anglais par Robert Davreu. Gallimard, «Du monde entier», 237 pp., 120 F.
Il y a peu d'endroits dans le monde où, parvenu à l'extrême limite d'un continent, on peut en contempler un autre au-dessus d'un bras d'eau», écrit Graham Swift. La première nouvelle de son recueil se déroule donc à Istanbul, aux confins de l'Orient et de l'Occident, avec la flaque du Bosphore pour toute petite frontière humide. Pas par hasard. Car il y a également peu de récits dans ce livre où les bouillonnants personnages masculins, parvenus à l'extrême limite d'un état ou d'un sentiment, n'en contemplent pas soudain un autre, fort différent, son contraire, par-dessus le bras de leur épouse ou de leur petite amie.
Dans la Leçon de natation, ce sont en effet des hommes qui s'écroulent et plongent. A l'issue d'un raz de marée intime, les absolus sur lesquels ils avaient bâti les maigres polders de leurs existences s'effondrent, et ce sont ces inondations morales, ce fracas des certitudes emportées qu'aime à enregistrer Swift. Corps en perdition, noyé dans ses croyances. Brodé en liséré en marge de chaque nouvelle, il y a en effet, chez l'auteur, l'idée que les femmes sont plus résistantes, c'est-à-dire plus coulantes. Loin de se cabrer, elles se laisseraient porter par les événements, feraient la planche. «C'est drôle comme les femmes savent opérer des changements; ce sont les hommes qui sont obstinés», prétend ce second Swift. Qu'on ne