Dans sa présentation, la série «Morales» de la revue Autrement ne
diffère pas de la plupart de ses autres collections («Monde», «Mutations», «Mémoires»...): consacrée à un sujet précis. Chaque numéro réunit un ensemble de contributions qui forment autant de chapitres, eux-mêmes regroupés sous trois ou quatre intitulés thématiques. Autrement cultive le principe de la diversité des analyses et des points de vue, sans jamais prétendre à l'exhaustivité. Ce qui fait le bonheur de cette formule, c'est la place qu'elle accorde du même coup à une réflexion personnelle. La lecture de l'Amitié incite plus à se faire soi-même une opinion de ce que ce mot veut dire qu'à retirer un enseignement objectif de l'ouvrage. Les seize auteurs sont presque tous des philosophes, parmi lesquels Sophie Jankélévitch, Bruno Karsenti, Pierre Macherey, Françis Wolff, sinon des sociologues (Richard Hoggart...), deux grands spécialistes de la civilisation allemande (Gilbert Badia) et de l'Antiquité (Jean-Pierre Vernant), mais aussi le journaliste anglais Victor Price ou encore la romancière Ruth Rendell.
Sous cette disparité, se dessinent des lignes de force: la plus frappante concerne la diversité culturelle de l'amitié, spécialement caractérisée par son importance «romantique» dans l'Allemagne du XIXe siècle, où elle exalte la figure du «génie», flatte le sentiment «héroïque» jusqu'à favoriser une certaine fascination «morbide». L'amitié prend des consonances toutes différentes si l'on va voir de l'autre