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Libération
Critique

L’air pur du bagne

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La prison aux champs. Les colonies d’enfants délinquants du nord de la France au XIXe siècle
publié le 2 mars 1995 à 2h31

La question des jeunes délinquants, de leur responsabilité et de leur traitement, n’a pas toujours posé problème. L’Ancien Régime l’ignorait largement, poursuivait peu les enfants et faisait plutôt confiance aux familles, quitte à prêter main-forte à la correction paternelle: une lettre de cachet suffisait à enfermer les rejetons désordonnés.

Là comme ailleurs, la Révolution et l'Empire changent les choses. Que faire des enfants coupables au temps du code pénal uniforme et de la prison souveraine? L'article 66 renforce les pouvoirs du juge qui doit établir si le mineur (moins de seize ans) a agi ou non avec discernement; dans le premier cas, il est puni à un tarif similaire quoiqu'inférieur à celui des adultes (et jamais à la mort); dans le second, il est rendu à sa famille, ou placé dans une maison de correction pour une durée fixée par le tribunal, éventuellement jusqu'à sa majorité. Ce système baroque pouvait aboutir à enfermer jusqu'à vingt et un ans un vagabond, un mendiant ou un voleur de mouchoirs. D'autant plus que les juges concluaient très largement à l'absence de discernement.

Quoi qu'il en soit, la question du traitement des jeunes se posait désormais avec une urgence plus grande. Le comte d'Argout était favorable à un placement familial contrôlé par le patronage (circulaire de 1832). Mais cette méthode de dissémination fut balayée par la victoire du tout-carcéral, utopie de l'époque. On aménagea des quartiers spéciaux dans les prisons ordinaires et, en 1836, on o