Certains signes ne trompent pas. Bonheur ou malchance, le premier roman policier de Virginie Despentes démarre réellement au chapitre XIII, lorsque Manu, déjà deux meurtres à son actif, rencontre Nadine qui, ça tombe bien, vient justement d’étrangler sa colocataire. Dans les douze chapitres précédents, la romancière se sera donc acharnée à transformer Nadine et Manu en meurtrières. Autant dire que cela n’aura pas été fastoche, a priori les deux gamines n’y étaient pas du tout disposées, absolument pas faites pour ça.
Prenez Nadine. En début de roman, hyperlarve, couch potatoe, elle reluque un film porno sadomasochiste allemand (Madame P., de Jeanne Pepper, chez Bizarr Video) en fumant des joints. Impavide et affalée. Aucune envie de zigouiller qui que ce soit. Quant à Manu, «elle s'est habituée à avoir la vie terne, le ventre plein de merde et à fermer sa gueule. Il n'y a strictement rien de grandiose en elle. A part cette inétanchable soif. De foutre, de bière ou de whisky, n'importe quoi pourvu qu'on la soulage. Elle en rajoute même un peu dans l'apathie et le sordide».
Virginie Despentes aussi, si l'on veut, mais c'est pour le bien commun, surtout celui de cette pauvre paire de paumées. Il faut qu'elles se relèvent, Nadine et Manu, qu'elles arrêtent de subir. Alors l'écrivain les viole, ou les fait violer c'est du pareil au même, les maltraite, leur compose une vie pas possible, en banlieue, au milieu de la dope et de la prostitution erratique, le tout avec une répugnante f