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Libération

Chérie noire

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publié le 16 mars 1995 à 2h07

Marcel Duhamel aimait-il la Série Noire? Aimait-il vraiment cette

collection qu'il avait créée, élégante, racée, aux formes américaines, un peu traîne-ruisseau à ses débuts mais qui allait vite enchanter par son franc-parler, ses inventions, ses fantasmes? Et, accessoirement, le rendre riche et célèbre? Rien n'est moins sûr. Aujourd'hui, la plus illustre collection française de romans policiers s'en va fêter ses cinquante ans. Toujours vêtue de noir, elle est devenue une dame respectée de la haute et basse littérature de notre pays, même si son langage demeure peu châtié, et ses moeurs toujours aussi extravagantes. Mais l'amour que lui portait son géniteur (sans parler de son parrain, le robuste et malin Gaston Gallimard) reste une énigme déterminante.

Dans ses Mémoires rédigées en 1972, Marcel Duhamel s'étend très peu sur la Série Noire. Il est vrai qu'il aura eu une vie hautement trépidante, qui lui aura fait rencontrer la plupart des génies artistiques de ce siècle (de Picasso à Hemingway, en passant par les frères Prévert, Queneau, Bataille, Sartre, Henry Miller, Yves Tanguy, tous les surréalistes et la plupart des grands cinéastes français des années 30-40); et que, pour lui, la Série Noire se résumait surtout à un bizness, «un bon plan» dirait-on aujourd'hui, rentable et spectaculaire, dans une carrière qui avait été jusqu'alors fort cahotique.

Un argot de Manchester On sait quand même, en lisant entre les lignes, qu'il n'y aurait certainement pas eu de Série Noire sans m