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Libération
Critique

Les affinités électives : ""Principes du gouvernement représentatif""

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publié le 16 mars 1995 à 2h06

Bernard Manin, PRINCIPES DU GOUVERNEMENT REPRÉSENTATIF.

Calmann-Lévy, 320 pp., 140 F.

Pourquoi ne pas tirer au sort les gouvernants au lieu de les élire? L'idée paraît saugrenue tant le principe électif a acquis force d'évidence dans les démocraties contemporaines. La réflexion menée par Bernard Manin sur le «gouvernement représentatif» montre cependant que l'élection cousine obligatoirement avec un certain élitisme, tandis que le jeu du hasard favorise mathématiquement l'égalité démocratique.

Tirer au sort les hommes de pouvoir n'est pas aussi farfelu que cela peut le sembler aujourd'hui. L'auteur rappelle en détail comment l'antique démocratie athénienne pratiquait le tirage au sort pour la désignation de nombreux postes de responsabilité. Au nom, précisément, de la démocratie, ainsi que l'expliquait Aristote dans Politique: «Il est considéré comme démocratique que les magistratures soient attribuées par le sort et comme oligarchique qu'elles soient électives.» La pratique athénienne du tirage au sort prenait en compte l'objection de l'incompétence qu'appelle immédiatement une telle technique. Il fallait d'abord se porter volontaire pour participer à ces jeux de hasard et de pouvoir. Une épreuve de qualification était ensuite imposée aux gagnants. Mais l'essentiel, pour les Athéniens, était d'éviter tout «professionnalisme politique». De ce point de vue, la rotation voulue des charges est incomparablement mieux assurée par le sort que par l'élection.

Les vertus du tirage au s