Rachid O., L'ENFANT ÉBLOUI. Gallimard, «L'Infini», 143 pp., 78 F.
La voix de Rachid O. vient d'un pays lointain. Elle dit, et cela semble à des années-lumière, ce que c'est que de grandir aujourd'hui dans un pays maghrébin qui voudrait bien entrer dans l'Union européenne. Y a-t-il un tel océan entre l'enfance d'un petit Parisien et celle d'un garçon de Rabat? On pourrait le croire tant ces récits d'«enfant ébloui» donnent ce sentiment de distance. Paradoxalement renforcée par la proximité dans le temps le Maroc des années 70-80 , cette distance confère au texte une étrangeté quasi ethnologique. Lire ces souvenirs d'un jeune homme de 25 ans (Rachid O. est né en 1970 à Rabat), c'est traverser le miroir, entrer au creux et au coeur des familles marocaines d'aujourd'hui, sans médiation romanesque ni rhétorique.
La famille de Rachid est la plus riche de la ruelle, «c'était chez nous qu'on faisait les meilleurs repas». Son père est boulanger, sa mère est morte, et la soeur de cette dernière l'a remplacée auprès de son père. Benjamin de trois enfants, Rachid est le préféré de son père. Son enfance se déroule au milieu des femmes. «J'étais toujours derrière, derrière ou devant mais je préférais derrière car quand elles étaient entre elles à parler des hommes et qu'elles s'apercevaient que j'étais là, elles disaient: Qu'est-ce que tu fais là? Va jouer avec les garçons. (...) Peu à peu, quand je grandissais, quand elles parlaient d'un homme elles en parlaient au féminin pour me trom