Mona Ozouf avait jusqu’ici prêté assez peu d’attention aux rapports de sexes dans l’Histoire. C’est dans le champ le plus mâle des sciences sociales qu’elle avait oeuvré, de manière très beauvoirienne, en somme. Mais le développement des recherches à cet égard, tant aux Etats-Unis qu’en France, et les controverses qu’elles entraînent ne pouvaient laisser indifférente l’historienne de la Révolution française, de l’école et de la République. La contribution qu’elle apporte aujourd’hui porte la marque de ses convictions, voire de son inquiétude: l’affirmation d’un différentialisme féminin ne risque-t-elle pas d’altérer le modèle de la citoyenneté universaliste, la plus susceptible d’intégration, cette «singularité française», thèse centrale de son livre?
Deux parties, fort inégales (322 pp. et 75 pp.), le structurent. D'abord dix portraits de femmes qui, de Madame du Deffand à Simone de Beauvoir, se sont d'une manière ou d'une autre illustrées dans la République des lettres. Balayant avec une désinvolture salubre, et parfois injuste, travaux et commentaires (son livre ne comporte pratiquement ni notes ni références), Mona Ozouf a voulu plonger dans l'eau vive de leurs textes et saisir à la source leur pensée.
A la fois publics et privés (Correspondances, journaux intimes), ces écrits permettent justement de saisir la confrontation de ces deux registres et de comprendre l'angoisse qu'éprouvent toutes celles qui osent s'aventurer au-delà des limites imposées à leur sexe. Dix femme