Caleb Carr, L'ALIÉNISTE. Presses de la Cité, 489 pp., 130 F.
Tout de suite le titre, fidèlement traduit de l'anglais, que l'auteur prend soin d'expliquer dès la page de garde: «Avant le XIXe siècle, les malades mentaux étaient considérés comme aliénés, c'est-à-dire étrangers, non seulement au reste de la société mais aussi à leur propre nature. Les spécialistes qui étudiaient et traitaient leurs pathologies étaient connus sous le nom d'aliénistes.» Cette précision n'est pas seulement linguistique, elle offre aussi l'avantage de cadrer d'emblée le sujet du premier roman de Caleb Carr. Il sera donc question de malades mentaux, et plus précisément du type psychopathes, recensés aujourd'hui sous le terme, plus vendeur, de serial killer. Un tueur qu'il faut retrouver. Voilà pour le schéma: classique sinon rabâché. Et c'est pourtant sur cette trame usée jusqu'à la corde que Caleb Carr va construire un roman qui empoigne toutes sortes de fléaux, du racisme à la misogynie en passant par la corruption des fonctionnaires, le prostitution enfantine, et qui va même jusqu'à dénoncer l'indulgence coupable d'un certain clergé pour assurer son territoire. Bref, on est au bord du brûlot gauchiste, pour les Américains s'entend.
C'est d'abord sur le décor que Caleb Carr se met en décalage. L'action se passe à New York en 1896. Dans les quartiers immigrés du Lower East Side, la police découvre la première victime, un adolescent de treize ans éventré et mutilé, Giorgio Santorelli, alias Gloria po