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Critique

Les numéros de Tel Quel

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Fondée en 1960 par Philippe Sollers et Jean-Edern Hallier, la revue «Tel Quel» a traversé tous les enthousiasmes et les lubies des années 60 et 70. Portrait, au travers d'un essai et de témoignages, d'un groupe qui s'est imposé comme un pôle intellectuel au centre d'incessantes polémiques et qui fut peut-être la dernière «avant-garde» instituée comme telle (quelle).
publié le 6 avril 1995 à 4h23

On mesure l'impact d'une revue dans l'histoire littéraire, politique ou théorique d'un pays à sa capacité à devenir le réceptacle des formes de l'heure et des idées du temps, à donner l'impression qu'y sont passés tous ceux qui comptent et que peut s'y lire une époque. Ce fut le cas, naguère, de la Nouvelle Revue française ou des Temps modernes, cela l'a été, plus récemment, d'une revue comme Tel Quel. Bien que n'ayant existé que vingt ans et des poussières (1960-1982), cette revue a accueilli suffisamment de penseurs et écrivains et déclenché autour d'elle assez de passions et de polémiques pour être emblématique d'une époque disparue et d'un mouvement intellectuel puissant que ses détracteurs surnommèrent «pensée 68». Evoquer le nom de Tel Quel aujourd'hui, c'est convoquer bien sûr ceux de Sollers, Faye, Kristeva, Pleynet, Ricardou, Thibaudeau; mais c'est aussi, comme le souligne Philippe Forest qui a entrepris dans Histoire de Tel Quel de s'en faire le chroniqueur fasciné sinon l'historien impartial, appeler ceux des écrivains qui publièrent dans la revue (Ponge, Barthes, Foucault, Derrida, Genette, Eco), voire des penseurs qui «bon gré mal gré, furent annexés à un moment ou à un autre par le telquelisme (Lacan, Althusser)». C'est dire le carrefour, le forum que fut Tel Quel.

L'aventure, qu'avait racontée l'an dernier un de ses protagonistes, Jean Thibaudeau, dans Mes Années Tel Quel et que retracent aujourd'hui Philippe Forest et un numéro spécial de l'Infini, commence à