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Libération
Critique

La Tour du Pin quotidien : ""Carnets de route""

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publié le 13 avril 1995 à 3h06

Les «Carnets de route» d'un poète, qui n'a cessé de douter de la

subjectivité du langage, pour tendre vers une parole unique et sacrée.

Patrice de La Tour du Pin, CARNETS DE ROUTE, préface de Joseph Gelineau. Plon/Mame, 292 pp., 125 F.

Patrice de La Tour du Pin offre la figure étrange d'un de ces adolescents inspirés, à mi-chemin entre Radiguet et Alain-Fournier, mais qui aurait eu pour lourde tâche de survivre à son propre mythe. Couronné de lauriers dès l'année de ses 20 ans, avec la Quête de joie parue en 1931 dans la NRF, il était devenu la figure de proue de la poésie spiritualiste; en 1940, c'est autour de lui que se regroupait, dans le mouvement «Jeune France», un certain nombre d'écrivains qui allaient se frayer un chemin dans la Résistance, comme Pierre Emmanuel, Pierre Seghers ou Claude Roy...

A cette gloire précoce devait succéder une longue période d'aridité: La Tour du Pin se trouve alors comme paralysé par un excès de scrupules ­quant à sa condition protégée de gentleman-farmer, délié de toute contrainte sociale, mais surtout la légitimité de sa vocation littéraire. C'est de ces interrogations que témoigne le fragment aujourd'hui publié de ses Carnets de route, qui s'étend sur six mois de 1951, et où se manifeste une véritable obsession de dépasser son statut d'intellectuel. En pleine guerre froide, La Tour du Pin renvoie toutes les idéologies à la même relativité, il n'y voit que des volontés de puissance antagonistes et qui procèdent toutes d'un commun princip