Juan Marsé est un écrivain de la mémoire, du passé, du refus de la post-modernité longtemps dominante de l'autre côté des Pyrénées. Son pain quotidien, c'est la Barcelone d'après-guerre, celle de la répression et de la misère, celle de l'immigration massive des régions les plus déshérités de la péninsule et de la mise au secret de la langue et de la culture catalanes. Son Guinardo, ce quartier où il a passé son enfance et son adolescence et où il vit encore aujourd'hui, n'apparaît plus que dans des images furtives d'où toute description est absente. C'est un endroit que personne ne visite, un lieu sinistré.
Boulevard du Guinardo raconte une curieuse promenade à travers une ville irréelle. Le 8 mai 1945, c'est-à-dire le jour de la capitulation de l'Allemagne nazie, un inspecteur de police tout ce qu'il y a de plus conventionnel va chercher Rosita, une femme-enfant des faubourgs, afin que celle-ci aille identifier le cadavre de son possible violeur. L'histoire est sordide, la réalité l'est certainement plus encore. A l'intérieur de ce couple «sui generis», se tissent des liens complexes, faits de paternalisme et d'incompréhension, de pitié et de mépris. L'un, l'inspecteur, est un fonctionnaire zélé, qui essaye de faire son boulot en bon serviteur du franquisme régnant, sans trop se poser de questions mais avec une certaine dose de moralisme et d'humanité. L'autre, Rosita, est une fille de la rue, sans autre aspiration que de survivre en pratiquant toutes les combines, des plus