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Critique

«La Nature», le phénomène Merleau-Ponty

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Maurice Merleau-Ponty (1908-1961) ne peut être réduit à l’image de père de la phénoménologie française, comme en témoignent l’ironie et le refus des chapelles qui émanent de «la Nature», transcription de ses cours au Collège de France.
publié le 20 avril 1995 à 2h54

Entre l’homme et la nature, il y a une césure initialement impossible à combler: jusqu’à Descartes, ce qui est «Nature» n’est pas «Homme» et inversement. La disjonction est du même ordre que celle de l’objet et du sujet. De 1956-57 à 1959-60, Maurice Merleau-Ponty délivra durant trois ans une série de cours au Collège de France sur «Le concept de nature». Jusqu’ici inédits, ces cours sont aujourd’hui reconstitués à partir des notes d’auditeurs. Ils permettent de découvrir une pensée à l’oeuvre, radicalement différente d’un ouvrage rédigé et destiné à être publié. C’est donc un autre Merleau-Ponty qui devient accessible. Peut-être plus vivant que l’auteur des textes connus jusqu’ici, y compris les plus légers dans leur écriture et les plus audacieux dans la pensée, comme l’oeil et l’Esprit. Retraçant au fil de ces trois années une «histoire» (abrégée et orientée) du «concept de nature», Maurice Merleau-Ponty met en évidence la dialectique qui a amené l’Occident à une remise en question de cette coupure originelle entre l’Homme et la Nature, à penser la «nature humaine» selon des registres aussi différents que celui de la science (darwinienne) ou de l’anthropologie (kantienne et néo-kantienne). Au terme de cette entreprise, le professeur montre que le renversement est total: après que l’homme est entré dans la nature, c’est le mouvement inverse que la phénoménologie et l’existentialisme inspirent ­ c’est la nature (le monde perçu) qui entre dans l’homme. La Nature «est un obje