Le dandy de l'échec

Littérature. Entre autodérision et autocontradiction, un recueil d'entretiens, une biographie et un copieux volume des oeuvres de Cioran, spécialiste des aphorismes cinglants et des raccourcis ravageurs.

Cioran, ENTRETIENS, Arcades/Gallimard, 319 pp., 78 F; oeUVRES, Quarto/Gallimard, 1 820 pp., 175 F.

Gabriel Liiceanu, ITINÉRAIRES D'UNE VIE: E.M. CIORAN.

Michalon, 143 pp., 140 F.

En distillant depuis une vingtaine d'années les interviews comme autant de signes (parcimonieux) d'un tardif et coupable laisser-aller, il semble à certains égards que Cioran continue, malicieusement, de parachever sa propre légende; de sorte qu'on pourrait lire le volume d'entretiens réunis par Gallimard comme une ultime autobiographie spirituelle où l'écrivain ne dit que ce qu'il veut bien dire et reste fidèle aux raccourcis ravageurs qui ont fait sa gloire: «Je me compare à Macbeth, bien que je n'aie tué personne. (...) Dans mes accès de mégalomanie, je l'accuse de plagiat.» Ou encore: «La croyance en l'homme est une grande sottise, une folie. Je suis, si on veut, quelqu'un qui au fond méprise l'homme.»

Malgré cette ténacité fanfaronne à se figer sous le masque du démon, le Cioran qui se dégage de ces conversations apparaît, plus directement qu'il n'a pu le faire dans son oeuvre, comme la victime d'un trop-plein d'humanité qui l'empêche de jamais s'arrêter à une position radicale et le voue sans cesse à l'autodérision ou à l'autocontradiction: comme un moi absolu, qui ne connaît d'a