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Critique

Sens et avenir : "Les racines du mal"

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Cybersex en pleine expansion, capotes microfilmiques, guerres et serial killers comme s'il en pleuvait: dans «les Racines du mal» de Maurice G. Dantec, 1999 rejoint et dépasse les délires d'un paranoïaque de 1993.
publié le 4 mai 1995 à 5h17

C'est un roman policier, et beaucoup plus, qui avance dans le Temps à petites foulées en pataugeant dans notre Histoire. Bref, c'est un polar critique de notre société. On nous dira qu'ils le sont tous aujourd'hui, mais il suffit d'en ouvrir quelques-uns au hasard pour savoir que ce n'est pas vrai... En tout cas, voici un super-thriller qui commence en 1993 avec les exactions «classiques» d'un serial killer affligé d'une paranoïa légitime au vu de la civilisation qui l'a engendré; et du reste assez convaincante, sinon dans ses aboutissements, du moins dans sa construction. Andreas Schaltzmann, c'est notre homme, est en effet persuadé que les nazis et les Aliens de la planète Vega ­ forces ennemies qu'il compile parfois dans sa caboche déstructurée sous le mot-valise d'«alienazis» ­ ont envahi son quartier, et plus généralement le monde. Il en a des preuves tous les jours. En regardant la télé, notamment: «Il y avait cet animateur qui complotait contre le pape et le Premier ministre Balladur dont tout laissait à croire qu'il transformait les gens en poupées.» Brillamment logique du fond de son délirium, Schaltzmann se méfie étonnamment du groupe Bouygues. Il s'interdit, par exemple, de regarder TF1 («car il savait que les Aliens s'en servaient comme programme de rééducation psychologique, par l'emploi d'images subliminales et de rayons cosmiques invisibles») et comprend fort bien que le célèbre entrepreneur «est un des rouages-clé du Complot des créatures de Vega». Le premier