Russel, Moore, Wittgenstein, mais aussi Ryle, Austin, Ayer: de
Cambridge et d'Oxford, depuis le début du siècle, une galaxie philosophique a pris forme et s'est déployée au fil des décennies, dessinant de multiples arborescences. Cette galaxie a pris le nom de «philosophie analytique», et jusqu'aux années 80, l'Europe continentale s'est contentée d'en enregistrer l'existence, sans vraiment chercher à en comprendre les enjeux, si ce n'est que la philosophie serait précisément «analyse». Elle a fait son entrée par la linguistique: le dénominateur commun des écoles analytiques est l'étude du langage, défini comme le support d'une analyse de l'esprit. Le langage est une notion qui ne recouvre pas seulement la pratique d'une langue, le sens d'une phrase, la signification d'un mot, l'expression d'un énoncé, la vérité d'une affirmation... mais aussi bien le langage ordinaire (auquel s'intéressa Austin) qu'une logique de signes: la philosophie analytique va donner naissance à l'étude de la pensée au moyen du langage de l'ordinateur, qui va lui-même servir de métaphore du fonctionnement du cerveau, lequel, en retour, deviendra la réalité matérielle de la pensée. Au sein de cette boucle, il s'est formé autant de définitions possibles et parfois hasardeuses de l'esprit.
John Roger Searle, 62 ans, professeur «de philosophie de l'esprit et du langage» à Berkeley (Californie), pose un regard critique sur cet aboutissement complexe dans la traduction de l'un de ses derniers ouvrages, la Redé