Depuis son invention probable par les Egyptiens et l'usage assez
courant qu'en firent les Grecs, et davantage encore les Etrusques, le miroir est associé à l'amour. A l'amour charnel, d'ici-bas, bien sûr, mais aussi à celui pour les essences spirituelles, le monde de là-haut. En même temps, le miroir est associé à la connaissance de soi et de la réalité à la philosophie, donc, et au savoir scientifique. Ainsi, un grand nombre de métaphores accompagnent le miroir et s'en détachent, jusqu'à quasi perdre le lien avec l'objet dont elles sont issues. Pourtant ce lien existe, comme dans le cas des livres médiévaux définis par le titre de «miroir», auxquels Einar Már Jónsson consacre le Miroir. Naissance d'un genre littéraire. Version remaniée d'une thèse soutenue à Paris en 1985, cette étude brillante est l'oeuvre d'un historien islandais de 48 ans, maître de conférence à la Sorbonne.
La réflexion sur le Miroir d'Einar Már Jónsson prend pour point de départ Sénèque et ses Questions naturelles. C'est en effet chez cet auteur du Ier siècle après J.-C., et au moment où apparaît l'invention fondamentale du miroir en verre remplaçant celui en métal, que vient se résumer toute la pensée antique engendrée par cet objet inquiétant. Pour Sénèque, le miroir est d'abord un instrument d'observation astronomique, qui permet à l'homme de voir indirectement ce qui ne peut pas être observé directement. Le miroir est aussi un instrument pour voir son visage, non pas dans un but d'embellissement