Pendant plus de deux décennies, le destin de la communauté
nord-africaine, notamment algérienne, s'est confondu avec celui des bidonvilles. Aujourd'hui encore, et bien après leur éradication, l'ombre des baraques se profile dans la mémoire de ceux qui ont en fait l'expérience. C'est dans un langage souterrain, en termes de trou, de ratière, de terrier, etc., qu'ils en évoquent le souvenir: «On n'habite pas..., on se tapit, on se terre»... «on est tels des rats, on rentre dans des trous». Abdelmalek Sayad et Eliane Dupuy accomplissent un travail de recomposition de la mémoire des lieux. Les auteurs situent le boom des bidonvilles de Nanterre dans les années 50; la guerre d'Algérie qui se déroulait à huis clos agira comme un détonateur; abandonnant leurs terres, laissant derrière eux femme et enfants, des milliers d'immigrés algériens arrivent en France; ceux qui débarquent à Paris échouent dans des meublés ou des hôtels tenus par des compatriotes maghrébins appelés «marchands de sommeil». La demande accrue conduit ces derniers à installer des masures dans les cours et les arrière-cours des hôtels; par un effet de contagion viendront s'y adosser d'autres baraques.
Une fois affranchis des «marchands de sommeil», les locataires inciteront leurs proches et leurs connaissances à venir se faire «bidonvilliser». C'est dans le petit Nanterre, autour de la rue des Pâquerettes, rue de la Folie, rue des Tartarins, que poussent les premiers bidonvilles. Progressivement, l'espace acquiert