RIl y a des mots français qui sont restés gravés dans la mémoire des
vaincus, des réfugiés espagnols de la guerre civile: «Allez allez, circulez.» Des images, aussi: le sable des plages d'Argelès-sur-Mer, du Barcarès, d'Agde, de Saint-Cyprien. Non pas des plages de rêve, mais des camps. Le sable qui colle à la peau, qui devient boue, la mer qui n'est qu'un des murs de la prison. «Tout est sable. Je suis sable, tu es sable, il est sable, les gardes mobiles sont sable"» De grands poètes sont passés par là: Antonio Machado, mort à Collioure, Rafael Alberti, Max Aub. Ils y ont laissé des traces, pas des mots d'amour, des paroles de haine et de désillusion. La France, en ces premiers mois de 1939, n'était déjà plus une terre d'asile. Elle se préparait à la guerre qui venait, cette guerre dont les Espagnols connurent les prémices avant tous les autres, dont l'Espagne fut l'un des laboratoires. Pour certains, la France n'a été que la première étape d'un interminable exil. D'autres allaient connaître pire: Ravensbruck, Mauthausen. Argelès était l'un des signes annonciateurs du cauchemar universel.
En février 1939, la République espagnole sait déjà qu'elle a perdu. Le camp franquiste a pris Barcelone et les vaincus fuient, tous mélangés, civils et miliciens, anarchistes et communistes. La France de la non-intervention, celle du Front populaire et d'après, est prise de court. Elle ne s'attendait pas à un tel afflux. Rien n'est prévu, même pas des tentes au début. Considérés comme des ét