Le philosophe a-t-il quelque chose à dire sur le travail? La philosophie qui l'a tenu en grand dédain depuis ses débuts grecs peut-elle disputer aux économistes la question de l'avenir du travail, de sa place, de son statut dans des sociétés où il est devenu à la fois rare et indispensable? La réponse est certainement affirmative pour Dominique Méda, qui vient de publier le Travail. Une valeur en voie de disparition, chez Aubier. Embrassant la longue durée, cet essai produit une véritable généalogie philosophique du travail d'Aristote, à Saint Augustin, des Lumières à Saint-Simon, de Marx à" Heidegger, à Hannah Arendt , dans le but de faire sortir le débat actuel d'un économisme foncier et l'élargir au rôle de la société dans le devenir de l'homme.
Dans le Travail, Dominique Méda cherche à comprendre comment l'activité productive est devenue le centre de notre vie individuelle et collective. Car le travail n'est une catégorie anthropologique, «un invariant de la nature humaine ou des civilisations qu'accompagnèrent toujours les mêmes représentations». Loin de là. Les sociétés primitives s'organisent autour de logiques sociales complètement extérieures au travail, comme les rapports à la tradition, à la nature, aux dieux. En Grèce ancienne, le travail est assimilé à une activité dégradante et laissé aux esclaves. Affranchi des tâches indispensables, le citoyen est d'abord un homme libre, non soumis à la nécessité: «Le lien social ou politique n'a aucun rapport, ou plu