Les ouvrages de Pierre Francastel (1900-1970) ont occupé une place
non négligeable dans le débat qui a agité les sciences humaines à la fin des années 60 et dans la décennie suivante. C'est à partir de l'Ecole pratique des hautes études que son influence a rayonné, où il occupait depuis 1948 une chaire de sociologie de l'art et des civilisations créée à son intention. Le modèle de cette sociologie de l'art, il pensait l'élaborer à travers son enseignement et ses publications, se démarquant du schématisme d'un Arnold Hauser, dont l'Histoire sociale de l'art et de la littérature (1963) n'étudierait l'oeuvre d'art «qu'en termes de besoins et de diffusion»: alors que, «dans son essence, l'oeuvre n'est pas un repère du réel, elle offre un modèle sélectif de mise en ordre des sensations visuelles» propre à un artiste singulier et apte à être perçu et partagé par un «petit nombre de témoins». Francastel s'exprimait ainsi en 1969, dans la préface de ses Etudes de sociologie de l'art réunies chez Gonthier.
Alors que le «francastelisme», si répandu dans les années 70, est passé de mode, la lecture de ces pages consacrées à Brueghel, l'une des figures les plus singulières et les plus énigmatiques de l'art occidental, va-t-elle susciter une relecture, un réexamen de cette pensée parfois séduisante, parfois irritante?
Arrière-plan polémique Comme souvent chez Francastel, le livre se développe sur un arrière-plan polémique. Il combat plusieurs ennemis: une sociologie de l'art vulgaire, pour