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Critique

Braudel, sa vie, sa mer. Par Pierre Daix et Giuliana Gemelli, deux approches complémentaires, l'une amicale et intime, l'autre plus distanciée, du trajet de l'historien qui mit le premier une mer à la place du roi. Pierre Daix, BRAUDEL. Flammarion, 566 pp., 150 F. Giuliana Gemelli, FERNAND BRAUDEL, préface de Maurice Aymard, traduit de l'italien par Brigitte Pasquet et Béatrice Propetto Marzi. Odile Jacob, 378 pp., 160 F.

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publié le 7 septembre 1995 à 8h18

Hérétique et pape de la «nouvelle histoire», Lorrain ayant tourné le

dos à l'intérieur des terres pour ne se sentir chez lui que dans la vaste Méditerranée, pédagogue hors pair sans véritable disciple ni école, marginal de l'Université et inégalable entrepreneur intellectuel international, Fernand Braudel n'en fut pas à un paradoxe près. Ce travailleur méticuleux et acharné vouait son destin à la fortuna, à la chance, comme un prince de la Renaissance italienne, et, finalement, il aura peut-être été le dernier des intellectuels heureux. A l'occasion des dix ans de sa disparition (le 28 novembre 1985, à 82 ans), deux biographies fort complémentaires tentent de faire le tour de ce personnage imposant. Dans Braudel, Pierre Daix étudie l'historien dans son milieu, mais pour mieux reconstituer un trajet intellectuel singulier, exemplaire dans son humanité. La dimension biographique ne constitue en revanche qu'un élément du Fernand Braudel de l'Italienne Giuliana Gemelli. L'essentiel est consacré à l'homme d'action, bâtisseur d'ins- titutions culturelles, et au jeu (à un moment donné) entre un individu (si génial soit-il) et la logique lourde des organisations auxquelles il se trouve confronté.

Romancier, essayiste, historien de l'art, Pierre Daix rencontre Fernand Braudel au début des années 60. Une solide amitié se noue alors entre ces deux hommes que séparent vingt ans d'âge mais qui ont vécu l'expérience de la captivité en Allemagne au cours de la Seconde Guerre mondiale, l'offi