Sous prétexte que Michel Foucault concevait la philosophie comme une «expérience-limite» et qu'il est mort du sida en 1984, un universitaire américain se demande si le savant a pu jouer sciemment avec le feu et prendre le risque de contracter le sida, pour éprouver jusqu'au point extrême les frissons de la jouissance philosophique. Tant qu'à faire, il se demande aussi, dans une postface tout à fait sérieuse, si le philosophe aurait pu, dans cette même optique sado-apocalyptique, délibérément contaminer ses partenaires" Outre que cette «thèse» fait preuve d'un rare anachronisme en matière de la connaissance de la maladie (les premiers cas de sida recensés datent de 1981, l'isolement du virus de 1984, le test de dépistage de fin 1985), il faudrait, si on suivait James Miller, se demander pourquoi, dans ces années-là, tant d'homosexuels furent si philosophiquement héroïques (et foucaldiens sans le savoir) pour choisir, par dizaines de milliers et d'un bout à l'autre du monde occidental, le pari de l'«expérience-limite», en continuant de fréquenter chaque soir bars, saunas et boîtes SM. Qui peut sérieusement prétendre que le safe sex était, à l'automne 83 (et a fortiori avant), date du dernier séjour de Michel Foucault aux USA, la règle dans les jeux sexuels de la communauté gay?
Ce qui est plus consternant encore de la part de James Miller, c'est la façon dont il a besoin du sida (même s'il ne tire à ce sujet, et pour cause, aucune conclusion, tout en colportant à son tour les r