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Libération
Critique

Michelet, professeur de France.

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Au Collège de France, de 1838 à 1851, les cours de l’historien sur les femmes ou le peuple ont forgé l’identité nationale et suscité les passions. Autant des auditeurs qui s’y pressaient que du gouvernement qui finit par les interdire.
publié le 28 septembre 1995 à 8h45

M le professeur Michelet ne voulait pas qu’on publiât ses cours. «La parole est la parole», disait-il; «laissons-la ce qu’elle est de sa nature, la parole ailée, comme dit Homère. Elle perd trop, si vous lui coupez les ailes». Il concevait ses leçons comme des «conversations avec le public». Il ne les édita que dans les moments de conflit aigu avec le pouvoir: en 1843, les Jésuites; en 1847-48, les Leçons non professées parce qu’interdites. Mais la majeure partie de cet enseignement était résumée dans le Journal de l’instruction publique, et plus encore inédit dans les brouillons préparatoires, ou les scrupuleuses sténographies d’Alfred Dumesnil, son étudiant le plus assidu, avant de devenir son gendre, corvéable à merci. Ces éclats d’une des paroles les plus vibrantes du siècle ont permis à Paul Viallaneix, éminent spécialiste de Michelet, d’achever la monumentale publication de l’oeuvre: après le Journal, les Ecrits de jeunesse, les oeuvres complètes (14 volumes, Flammarion), voici donc les Cours professés ­ prêchés ­ de 1838 à 1851 au Collège par monsieur Symbole, comme l’appelaient les étudiants. Grâce à cette édition exemplaire, c’est comme si nous étions, nous aussi, dans la foule avide qui se pressait rue des Ecoles, aux premières heures des jours d’un cours qui fut aussi un événement.

Après quatre années à la Sorbonne, Michelet fut élu au Collège de France en janvier 1838, après les vicissitudes d'usage, à la chaire d'histoire et de morale créée en 1770. Il en appréci