Célébré dans la discrétion, le centenaire de Montherlant aura donné lieu à quelques ouvrages érudits (dont un excellent Langage dramatique de la Reine morte, par Romain Lancrey-Javal), à la réédition d'une partie de ses Carnets et à un volume d'Essais critiques: il s'agit en fait de textes que l'écrivain avait lui-même choisis, peu avant sa mort, parmi la foule d'articles et de préfaces dispensés çà ou là et on le reconnaît bien dans ce souci de ne rien laisser au hasard, aussi pessimiste qu'il fût quant à sa destinée posthume" Surtout, on le retrouve tout entier dans ce recueil, avec son arsenal de foucades, de palinodies, d'incohérences, avec ce mélange de majesté et de j'm'enfoutisme qui fait sans cesse passer de l'exaspération à l'éblouissement. Il y pousse aussi loin que possible ses sarcasmes contre le goût commun, où son anarchisme de patricien se mêle d'un parti pris de provocation adolescente; il ne se lasse pas de tirer la barbe aux grands anciens, de désacraliser les chefs-d'oeuvre pour les réduire à quatre ou cinq recettes de cuisine littéraire: Flaubert devient «un boeuf de labour avec un carnet de notes», Racine «une langouste dont il faut décortiquer péniblement et interminablement la carapace, qui est de taille, avant d'arriver ici et là à un petit brin de chair exquise». Et Montherlant de recenser, avec un scrupule sadique, les quelque trente vers raciniens qu'il convient de sauver" Manière indirecte de rester fidèle au lycéen qu'il fut, qui plaçait
Critique
Montherlant, un posthume sur mesure.
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par Noël HERPE
publié le 5 octobre 1995 à 9h42
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