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Libération
Critique

Cuba: Jesus enfonce le clou. Pour avoir longtemps cautionné le régime castriste, Jesus Diaz se montre d'autant plus virulent pour en dénoncer les désillusions, les mensonges et la déliquescence. Jesus Diaz, LES PAROLES PERDUES, traduit de l'espagnol (Cuba) par Jean-Marie Saint-Lu. Métailié, 321 pp., 120 F.

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publié le 12 octobre 1995 à 9h17

Jesus Diaz est un touche-à-tout. Il a été tour à tour (parfois en

même temps) écrivain, professeur de philosophie marxiste (la seule qui pouvait exister à Cuba), directeur de deux revues, l'une satirico-politico-littéraire, El caiman barbudo, l'autre théorico-critique, Pensamiento critico. Il a aussi réalisé des films documentaires ou de fiction, souvent sur le même sujet d'ailleurs, puis écrit des scénarios auxquels il est arrivé d'être censurés. Il est ensuite revenu à l'écriture avec les Initiales de la terre, considéré par certains comme le roman d'une perestroïka insulaire qui n'a finalement pas eu lieu, et, enfin, avec les Paroles perdues, un livre certainement moins ambitieux mais plus attachant, plus humain, la chronique d'une désillusion. Une désillusion qui l'a conduit d'abord à «résider temporairement» à Berlin, puis à «s'exiler définitivement» à Madrid.

Il est donc l'un de ces officiels du régime castriste qui ont participé à toutes les compromissions, censures et autocritiques forcées, manipulations littéraires ou cinématographiques. Pourtant, l'homme ruminait en solitaire ses convictions perdues. Il avait voulu tout justifier au nom des «erreurs» (doux euphémisme pour des crimes ignorés), il avait été victime de la censure après y avoir largement contribué. Il s'était tu sur son propre parcours, jusqu'au jour où il en a eu assez et a décidé de raconter sa part de vérité.

Les Paroles perdues est le résultat de ce désastre psychologique et personnel. Le contexte pol