Au XVe siècle, on signale déjà qu'il n'est pas de bonne tenue de se
moucher dans la nappe. Au XVIe siècle, Erasme est peut-être déjà trop précis: «Se moucher dans son bonnet ou sa veste est d'un paysan, dans son bras ou son coude, d'un marchand de poisson; il n'est pas beaucoup plus poli de le faire dans la main, si la morve tombe sur la veste. Il est de recueillir les saletés du nez dans un mouchoir, en se détournant un moment si l'on est avec des supérieurs. Si en se mouchant dans les doigts quelque chose tombe à terre, il faut l'écraser aussitôt avec le pied.» Un siècle plus tard, il sera inconcevable pour des honnêtes gens de faire ce qu'Erasme défend, mais il sera aussi très inconvenant d'en parler, et encore plus de l'écrire, comme au bon vieux temps. En quelques siècles, le savoir-vivre a changé, comme on peut le constater en ouvrant au hasard le Dictionnaire raisonné de la politesse et du savoir-vivre du Moyen Age à nos jours, que le Seuil vient de publier sous la direction d'Alain Montandon. Une vingtaine de chercheurs rattachés en majorité à l'université Blaise-Pascal de Clermont-Ferrand ont signé les quelque quarante entrées.
L'ombre de Norbert Elias plane sur ces neuf cents pages. C'est à lui en effet que l'on doit l'étude de ce «processus de civilisation» qui culmine dans l'Ancien Régime, avec l'apprentissage moins d'un savoir que d'un pouvoir-vivre. De même que le monarque absolu existait par une étiquette poussée à l'extrême, jusqu'au point de l'en rendre pr