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Libération
Critique

Rolin sans quartier

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Le journal de voyage de Jean Rolin dans Paris et sa périphérie dessine les contours inquiétants de la misère du monde.
publié le 12 octobre 1995 à 9h17

Quand il voyage seul, Jean Rolin donne «libre cours, absolument sans retenue», à quelques petites «manies» que «dans d’autres circonstances» il est «obligé de contenir». Ainsi tente-t-il, chaque fois qu’il change d’hôtel, de reproduire dans sa nouvelle chambre l’ordre instauré dans la précédente. Moyen de fixer les choses, de garder quelque maîtrise dans un monde devenu instable et changeant du seul fait du déplacement? Jean Rolin préfère y voir l’un des éléments d’une véritable «économie du voyage dont le premier principe consiste à réduire graduellement mes échanges avec le monde extérieur, à transformer mon métabolisme, un peu à la manière d’un animal entrant en hibernation, de façon à dilater le temps et l’espace dont je dispose sinon pour ne rien faire, du moins pour ne rien entreprendre de plus précis, de mieux défini, que rêvasser, lire, marcher sans but, observer à la dérobée, me tenir à l’écart, attendre, voir venir.»

Au lendemain d'une brève incursion dans le roman et le récit, Jean Rolin revient à son genre de prédilection, le récit de voyage. Après Journal de Gand aux Aléoutiennes et surtout la Ligne de front (en Afrique du Sud, dans les dernières années de l'apartheid), voici Zones, curieux voyage dans Paris et autour de Paris. Comment voyager en effet dans une ville par trop familière, où l'on habite et que l'on arpente depuis des années, comment s'y comporter en «étranger» quand vous attendent un peu partout vieux amis et bonnes tables? Comment ne pas ressenti