Asmahan, l'héroïne de Beyrouth, Poste restante, est captive d'une
ville en ruines, elle-même captive de la guerre; écrire devient un exercice d'exorcisme; en une dizaine de lettres adressées à des amis, à ses anciens amants, aux otages, à la terre, à la ville et même à la guerre, elle convoque des souvenirs, essaie de recomposer des tranches de vie. Cependant, au fil des lettres, Asmahan est submergée par un sentiment d'étrangeté vis-à-vis de ces êtres et de ces choses dont elle essaie de reconstituer la mémoire. S'adressant à Hayat, sa meilleure amie partie vivre à Bruxelles, elle dit: «Notre amitié ne peut plus se conserver intacte; même les mots ont changé. La guerre a éliminé des gens, en a mis d'autres en vedette. Parce que la guerre a détruit les conditions naturelles qui faisaient la vie de tous les jours, les gens sont devenus plus bizarres. J'ai pris goût à cette étrangeté.» Asmahan éprouve le même sentiment au souvenir de Nasser, Simon et Jaouad, ses ex-amants; leur départ n'a pas laissé de chauds souvenirs sur son corps; étrangeté accentuée par l'intrusion de l'étranger dans l'espace de la ville: «Des drapeaux iraniens sont plantés sur les murs entre les immeubles, on y affiche la photo de religieux et de leaders que je ne connais pas. Je ne comprends même plus la langue; je vois des caractères arabes, mais ce sont des énigmes écrites dans un alphabet secret, plein de symboles énigmatiques.»
Faute de réponse et de répondant, ces lettres deviennent un miroir où se ré