On peut consulter les archives du KGB sur l'Internet. La
correspondance privée de Joseph Staline? Elle est publiée dans le cadre d'un énorme programme russo-américain d'édition d'archives, patronné par l'université de Yale. Jamais l'accès aux sources de l'histoire de l'ex-URSS n'a paru aussi simple qu'aujourd'hui, et pourtant il n'est pas sûr qu'elle en devienne plus «lisible». Deux ouvrages très différents illustrent ce paradoxe. Le premier relate le voyage au sein des archives de Moscou d'un ancien dissident, Vladimir Boukovsky. Le second est un témoignage direct, fruit de cent quarante conversations étalées sur quinze ans entre le poète russe Felix Tchouev et Viatcheslav Molotov, bras droit de Staline pendant des années, avant de tomber en disgrâce en 1956 tout en restant irréductible stalinien jusqu'à sa mort en novembre 1986.
Muni d'un ordinateur portable et d'un scanner, à la faveur de la pagaille qui régnait à Moscou après le putsch manqué d'août 1991, Vladimir Boukovsky a accumulé un matériau impressionnant, qu'il déballe malheureusement avec une furie sans nuances. A l'époque, il pensait convaincre la nouvelle équipe eltsinienne d'organiser un grand procès contre le PCUS disparu, une sorte de Nuremberg soviétique. Il ne décolère pas de ne pas y avoir réussi, ce qui nous vaut quelques descriptions au vitriol des nouveaux responsables des Archives nationales russes, plus soucieux de protéger leurs prérogatives que de vérité historique.
C'est aussi l'occasion pour Boukovs