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Libération
Critique

Balles tragiques à Dallas

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L'assassinat de Kennedy serait plus tolérable si son meurtrier était tragique plutôt qu'absurde. Pour étayer cette thèse, l'Américain Norman Mailer a amassé, de Moscou à Minsk en passant par les archives américaines, un matériau considérable sur la vie de Lee Harvey Oswald. A-t-il pour autant atteint sa cible?
publié le 9 novembre 1995 à 10h28

New York, envoyé spécial

Le 31 octobre 1959, un jeune homme un peu agité fait irruption dans les bureaux de l'ambassade américaine à Moscou. Il exige de voir le consul. La réceptionniste faisant quelques difficultés, il jette son passeport sur son bureau et annonce: «Je suis venu renoncer à ma nationalité américaine.» Le consul, Richard Snyder, accepte enfin de recevoir le jeune homme. «Il finit une lettre qu'il est en train de taper et me demande ensuite ce qu'il peut faire pour moi. Je lui dis que j'ai décidé de prendre la nationalité soviétique, et que j'aimerais renoncer légalement à ma nationalité américaine. Son assistant McVickar lève le nez de son travail», écrira le jeune homme dans son journal.

Faut-il imaginer la réaction du consul, qui prend des notes, pose des questions, avertit que l'affaire prendra «du temps» ­ cette grande arme des bureaucraties contre l'imprévu? Le jeune homme s'énerve, passe quarante minutes à expliquer que sa décision est fermement prise. Et l'entretien se termine de la manière la plus purement bureaucratique. «Maintenant, à moins que vous ne vouliez continuer à exposer vos convictions marxistes, vous pouvez partir», lance le consul énervé. «Je veux renoncer à ma nationalité américaine», répond le jeune homme. «Pas aujourd'hui», réplique le consul. Et, dans le journal du jeune homme, ce jour-là, cette conclusion: «Je suis sûr que les Russes m'accepteront après ces preuves de ma foi en eux.» Il a à peine vingt ans, c'est un ancien marine, i