On ne lit pas les mille pages du Livre noir. On en lit quelques-unes
et on s'arrête pour récupérer, pour reprendre son souffle. L'horreur absolue, même répétitive monotone dans sa répétition est insupportable. Et infini le détail des souffrances. Quelques lignes au hasard des mille pages, un témoignage sur Odessa (Ukraine), en octobre 1941: «Et voici les tranchées. La procédure d'homicide se déroule avec toute l'application et la précision qui caractérisent les Allemands. Les Allemands et les Roumains, tels des chirurgiens, enfilent des blouses blanches et des gants. Les condamnés sont placés devant les tranchées après avoir été complètement déshabillés. Ils sont debout devant leurs assassins, tremblants, nus, et ils attendent la mort. Pour les enfants, on ne gaspille pas de plomb. On leur brise la tête sur des poteaux ou des troncs d'arbre, on les jette vivants dans le feu. Les mères ne sont pas tuées tout de suite: on attend d'abord que leurs pauvres coeurs se vident de leur sang à la vue du massacre de leurs petits.» Ou la lettre, retrouvée à Byten (Biélorussie) par un major de l'Armée rouge, d'une mère et d'une fille écrivant à leur mari et père avant d'être exécutées avec tous les Juifs de leur ville. Zlata Vichniatskaïa, la mère (en yiddish):
«Le 25 juillet a eu lieu chez nous un terrible massacre, comme dans toutes les autres villes. Des assassinats en masse. Il est resté trois cent cinquante personnes. Huit cent cinquante sont mortes de la main des assassins d'une