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Critique

Adios amis Goths. Ecrite à la fin du Ve siècle à Constantinople par Jordanès, l'«Histoire des Goths», ce peuple qui défit l'Empire romain avant de lui-même disparaître. Jordanès, HISTOIRE DES GOTHS, introduction, traduction et notes par Olivier Devillers. Les Belles Lettres, 230 pp., 135 F.

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publié le 30 novembre 1995 à 9h50

Que sont les Goths devenus? Par quel étrange sortilège le plus

puissant peut-être des peuples germaniques ­ parmi ceux qui campèrent quelques siècles à cheval sur les frontières de l'Empire romain, et finirent par en avoir la peau et le reste ­ a-t-il disparu avec armes et bagages? Le nom de France ne cesse de rappeler ceux qui, en Gaule, n'ont fait que leur succéder, comme l'Andalousie continue à faire signe aux Vandales qui en furent chassés à jamais par ces mêmes Goths, ou comme la Lombardie garde le souvenir d'un autre peuple germanique, héritier du royaume goth d'Italie. Des Goths, il ne reste rien. Sinon quelques adjectifs en guise de survivance saugrenue. En effet, au moment où la Renaissance s'invente un «âge gothique» intermédiaire (notre Moyen Age) qui doit la séparer de l'Antiquité, ils ont disparu depuis presque mille ans. De manière similaire, l'attribut de gothique collé à un style architectural est aussi arbitraire et anachronique que le même adjectif utilisé pour définir une forme d'écriture ou un genre romanesque, et ainsi de suite" Au sujet des Goths, il y a en somme une énorme béance que ces ersatz nominaux tentent moins de colmater que de délimiter, de signaler ­ comme si cette prodigalité de la langue représentait le prix d'une dette que l'histoire aurait contractée vis-à-vis des Goths disparus.

Les Goths ont eu pourtant une grande histoire (en XII volumes!), elle aussi perdue. Mais pas complètement. De cette oeuvre écrite à Ravenne par Cassiodore, le mini