Qui n'a dans les souvenirs de son enfance, la mémoire d'un épisode
malheureux qui lui laissa échapper un cri d'indignation: la part de gâteau inégale qui vous lèse, la promesse d'un parent non tenue, ou encore la punition jugée disproportionnée «c'est injuste!», aura protesté l'enfant avec la certitude de l'évidence et la conscience presque vertigineuse d'une rencontre avec la vérité, dont il découvre l'intimité de l'expérience et la force indiscutable. Paul Ricoeur rappelle cette primauté de la connaissance de l'injuste sur le juste, dans le premier des deux nouveaux ouvrages qui viennent s'ajouter à sa bibliographie philosophique le Juste (précisément), et Réflexion faite.
Le Juste est à l'image d'un bon nombre des vingt livres déjà parus de Paul Ricoeur. C'est un recueil d'articles, qui s'ordonnent pourtant autour d'un thème au point de faire système, et de présenter l'unité discursive d'un «essai» au plein sens du terme. Ce recueil a en outre la particularité de ne rassembler que des textes récents, ne remontant pas au-delà de l'année 92. Paul Ricooeur précise d'emblée que cette entreprise marque en effet une rupture par rapport au reste de son oeuvre. Le Juste veut rétablir ce qui n'en relève pas moins d'une longue tradition philosophique, depuis la République de Platon, que l'on n'hésita pas à sous-titrer De la justice, jusqu'à Hegel et ses Principes de la philosophie du droit, en passant par Hobbes, Machiavel, Leibniz, Kant ou Adam Smith.
Paul Ricoeur a été souvent d