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Critique

Descartes découvre le corps

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Et si l'âme ne pouvait rien sans le corps? A l'encontre d'une longue tradition, Denis Kambouchner renverse les analyses admises du «Traité des passions» et, partant, de la métaphysique cartésienne.
publié le 11 janvier 1996 à 0h05

Sans oublier Husserl ou Cassirer, les études cartésiennes ont été

marquées, en ce siècle et en France, par quelques figures essentielles: Etienne Gilson (1925), Henri Gouhier (1937), Ferdinand Alquié (1950), Martial Gueroult (1953) et, plus près de nous, Jean-Luc Marion (1975 et 1981). L'Homme de passions de Denis Kambouchner (1) semble appartenir à cette lignée d'ouvrages philosophiques qui, de temps à autre, viennent renouveler l'exégèse d'une oeuvre et relancer l'intérêt pour son auteur. En effet, dans les deux volumes (mille pages!) que comptent ses Commentaires, Denis Kambouchner, professeur à l'université de Clermont-Ferrand, ne procède à une analyse si rapprochée (souvent ligne à ligne et parfois mot à mot) du dernier Traité publié par Descartes que pour mieux oeuvrer à l'intelligence générale de son entreprise métaphysique. Et parfois à une remise en cause, voire à un renversement, des résultats les plus admis, par exemple sur le point décisif de la relation entre l'âme et le corps.

Descartes, on le sait, rechignait à traiter certains sujets. Par prudence, il préférait les laisser aux théologiens et aux moralistes. On sait aussi qu'il aimait s'ouvrir aux femmes. Et c'est justement sur l'insistance de son amie la princesse Elisabeth de Bohême, dépressive et spirituelle, et en guise de remède contre la noire mélancolie dont elle était accablée, que Descartes se résolut, en «physicien», à parler de l'influence des passions sur l'âme. Enigme d'autant plus fondamentale, et