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Critique

Volodine s'ancre en Chine

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L'amour fou de Breughel et de Gloria Vancouver, dans un quartier sordide de Macau où les deux amants ont fui. Tueur et interrogatoire pour un plaisir raffiné sur fond d'opéra, par un pirate de la mer de Chine.
publié le 1er février 1996 à 1h55

C'est à Macau, au bord de la rivière des Perles, que se déroule le dernier roman d'Antoine Volodine, le Port intérieur. L'écrivain vient d'y passer deux ans: «Une année de singe et une année de coq.» Il y a découvert un monde en lisière de l'Orient et de l'Occident, mêlant traditions millénaires chinoises et capitalisme agressif, un monde d'idéogrammes à décrypter, écrit dans une «langue océane». Des vestiges du maoïsme aux Triades, de l'opéra chinois à l'Empire du jeu, Macau devait entrer dans l'univers narratif de Volodine, comme si un génie (chinois) du lieu cherchait à multiplier les coïncidences, à commencer par ce port intérieur de Macau qui faisait signe à celui de Lisbonne, dernière marge, et à tous les lieux imaginaires où Antoine Volodine a exilé ses narrateurs et perdu ses histoires. Promu par un hasard biographique à devenir un pirate de la mer de Chine, Antoine Volodine publie aujourd'hui un livre d'une limpidité et d'une perfection toute chinoises, qui présage à sa manière de ce que pourrait être une littérature libérée des pesanteurs du roman.

De la Biographie comparée de Jorian Murgrave jusqu'au Nom des singes, Antoine Volodine a introduit en fraude des romans déconcertants, affranchis du principe de gravité et de cohésion atomique que réclame le genre. Ses histoires se déploient dans cet instant avec une tonalité bien particulière, qu'il qualifie de «post-exotique»: «Le narrateur est mort, explique-t-il. Quand il n'est pas mort, il est comme mort. Le monde de