Le premier principe de la philosophie est que les Universaux
n'expliquent rien, ils doivent être eux-mêmes expliqués», a écrit Gilles Deleuze (1). On ne sait si, en reconstituant la Querelle des universaux, Alain de Libera a songé à cet axiome deleuzien. Il est sûr, en revanche, que son essai en est une démonstration. On l'a peut-être oublié, mais pendant des siècles on s'est écharpé, battu (à coups de concepts et de poing) pour savoir si" un corbeau blanc est encore un corbeau, si la noirceur appartient en propre à chaque volatile singulier ou s'il existe une «corbeauité» à laquelle appartiennent finalement la noirceur et le corbeau! Grâce à Alain de Libera, à son immense érudition, on comprendra que ces questions amusantes sont tout sauf futiles. En somme, l'universel est-il un mot, un concept, ou une réalité qui excède toute saisie linguistique?
«On restituera ici les étapes principales qui montrent que, par-delà les positions doctrinales (réalisme, conceptualisme, nominalisme), se cachent les choix et les articulations disciplinaires (ontologie, psychologie, sémantique) qui correspondent au domaine de problèmes plus facilement synthétisé sous le primat théorique des choses, des concepts et des mots.» Alain de Libera (2) inscrit la Querelle des universaux dans la longue durée, du Ve au XVe siècle, de l'Antiquité tardive au début de l'Age classique, et même en deçà et au-delà, car pour lui, «la longue geste de l'universel correspond à la longue marche de la philosophie d'Ori