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Critique

La grande morale de Chine. Sinologue et philosophe, François Jullien a confronté la pensée du sage chinois Mencius à celles des moralistes occidentaux, pour en faire jaillir des étincelles: «Fonder la morale». François Jullien, FONDER LA MORALE. Grasset, 224 pp., 119 F.

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publié le 15 février 1996 à 1h17

Dialogue de Mencius avec un philosophe des Lumières, dit le

sous-titre. Mencius, «sage» chinois du IVe siècle avant notre ère, ne risque guère d'avoir jamais «dialogué» avec un philosophe occidental du XVIIIe siècle, dont le nom n'est d'ailleurs pas cité. François Jullien, professeur de sinologie à Paris-7, et actuel président du Collège international de philosophie, ne signe pas un «dialogue» au sens propre du terme. Pourtant le terme convient pleinement, non seulement parce que Fonder la morale ressort d'une forme d'exposé qui rejoint le dialogue intérieur, exactement comme Descartes en use sous le titre des Méditations, mais aussi et surtout parce que, tout au long de cet ouvrage, l'auteur confronte les uns aux autres les propos de Mencius et ceux des moralistes occidentaux (Rousseau, Kant, Schopenhauer"). Comme on frotte deux silex pour en faire jaillir des étincelles, François Jullien en fait naître une fécondité dialectique, un progrès de la pensée dont les conclusions renouvellent la question morale. Le «dialogue» est l'expression d'un comparatisme qui n'a pas une fonction savante, mais réflexive ­ ou comment «comparer pour fonder», dit l'auteur.

De nos jours, la philosophie occidentale semble avoir renoncé à la recherche de «fondements» de la morale. La morale n'a pas échappé au crible des «Maîtres du soupçon, Nietzsche en tête» (avec dans la foulée, Marx qui dénonce «le caractère à la fois occulte et servile de la morale, toujours aux mains de la classe dirigeante et