Professeur à l'université d'Amiens, codirecteur du centre de recherches de l'Historial de Péronne, Stéphane Audoin-Rouzeau est sans doute l'un de ceux qui a le plus contribué, ces dernières années, à renouveler l'histoire du premier conflit mondial. En insistant sur la violence inédite de cette guerre, aseptisée et «déréalisée» selon lui par l'historiographie traditionnelle, et en avançant pour l'expliquer la notion de «culture de guerre», ses ouvrages successifs ont permis de mieux comprendre le franchissement de seuil que constitua 14-18. C'est dans cette perspective (rendre au conflit toute sa brutalité (1), débusquer les non-dits et les interprétations lénifiantes), qu'il publie aujourd'hui l'Enfant de l'ennemi, consacré aux viols de guerre lors du premier conflit mondial.
Qu'il s'agisse des Allemands en Belgique ou en France, des Autrichiens en Serbie ou des «Cosaques» en Galicie, les viols, dénoncés par toutes les commissions d'enquêtes, figurent en effet en bonne place parmi les diverses «atrocités ennemies». Individuels ou collectifs, souvent accompagnés de sévices et de brutalités, parfois de meurtres, ils furent aux sources d'un immense traumatisme. Si toute quantification demeure impossible, l'ouvrage montre cependant qu'ils furent surtout des actes de conquérants, liés au contexte de l'invasion et à ses débordements. Cessant pour la plupart avec la guerre des tranchées, ils reprendront à la fin du conflit, suscitant d'autres terreurs (les Sénégalais dans la Ruhr)