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Libération
Critique

Le Carré tourne en rond. Même s'il sait toujours faire fonctionner sa machine à suspens, Le Carré n'échappe pas au syndrome de l'agent secret au chômage depuis la chute du Mur. John Le Carré, NOTRE JEU, traduit de l'anglais par Mimi et Isabelle Perrin, Le Seuil, 368 pp., 130 F.

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publié le 22 février 1996 à 0h57

Qui êtes-vous, Monsieur Le Carré, depuis la chute du mur de Berlin?

Un heureux écrivain de best-sellers mondiaux établi sur les falaises de Cornouailles, dont vous sortez périodiquement pour aller faire un repérage dans les nouvelles zones de turbulence et ainsi nourrir votre prochain roman? Ou un châtelain anglais qui s'ennuie dans sa poussiéreuse demeure du VIIe siècle, pré-retraité malgré lui, comme Tim Cranmer, le héros de votre dernier livre, Notre Jeu? Espion hors d'usage, mis au placard pour cause de fin de guerre froide, Tim Cranmer se décrit lui-même: «Moi, le haut fonctionnaire à la retraite, qui se parle à lui-même dans des langues étrangères, qui produit du vin et joue les bons samaritains dans son superbe vignoble du Somerset.»

David Cornwell, alias John Le Carré, lui, ne dit rien, trop occupé par son prochain livre pour accorder des interviews. Probablement à la demande des éditeurs, il a rédigé un dossier de presse pour ne pas répondre aux questions des journalistes, les avertissant que «les auteurs qui s'épanchent sur le Sens Profond de leurs livres sont une engeance notoirement peu fiable». Certes. Reste le livre, Notre Jeu.

Brillante machine à suspens et à rebondissements, Notre Jeu vous tient (presque) jusqu'à la dernière page, grâce à l'alchimie complexe de Le Carré, écrivain pervers qui ne met jamais son lecteur sur la piste de la solution. Suspendu donc, le lecteur, mais perplexe: la machine à mystères semble tourner à vide depuis que la guerre des service