Menu
Libération
Critique

Les délices du calife. Somme en 25 volumes composée au IXe siècle, le «Livre des chansons» est un miroir tantôt rugueux, souvent voluptueux, voire franchement érotique, du siècle d'or de la civilisation arabo-islamique. Traduction d'une anthologie par Jacques Berque. MUSIQUES SUR LE FLEUVE. LES PLUS BELLES PAGES DU KITAB AL-AGHANI, traduction et présentation de Jacques Berque. Albin Michel, 445 pp., 140 F.

Article réservé aux abonnés
publié le 29 février 1996 à 0h38

Décédé récemment à l'âge de 85 ans, Jacques Berque aura consacré

près de trente ans de sa vie à la traduction de trois textes arabes réputés intraduisibles: les poèmes antéislamiques (1), le Coran et le Kitab al-Aghani, le Livre des chansons, dont il offre aujourd'hui une Anthologie en six fragments. Ce dernier travail qu'il réussit à boucler avant sa mort est inaugural dans la mesure où aucun orientaliste ou arabisant n'avait osé s'attaquer à cette somme qui totalise XXV volumes et dont la composition a demandé à son auteur plus de cinquante ans de travail! Al-Asfahanî, né en 897 à Rayy, était poète et historien. Bien que de confession chiite, il descendait de la tribu des Kuraysh, et plus précisément de la branche marwanide des Omeyades. Il étudia à Bagdad où il passa la plus grande partie de sa vie et mourut en 967. C'est sous la protection à Bagdad de la dynastie Buyide, et en Syrie du prince hamdanite Sayf al-Dawla, qu'il put accomplir son grand oeuvre.

Le Livre des chansons est un compendium de savoirs qui court sur quatre siècles, jusqu'à la fin du IXe. Al-Asfahanî y a collecté les chants qui, sur ordre du calife Harun al-Rashid, avaient déjà été choisis par des musiciens de l'époque. L'auteur a complété ce travail par de nombreuses informations biographiques et bibliographiques sur les auteurs des mélodies et sur les poètes, ainsi que par des recoupements de références orales et écrites. Monumental, arborescent, le Livre des chansons est comme un miroir sur lequel vien