Menu
Libération
Critique

Espaces critiques. Par Michael Walzer, onze portraits d'intellectuels, de journalistes, de militants politiques, tous écrivains, qui, en ce siècle et chacun à sa manière, ont interprété le rôle changeant du critique radical de la société. MICHAEL WALZER.La Critique sociale au XXe siècle. Solitude et solidarité. Traduit de l'américain par Sebastian McEvoy. Ed. Métailié, 276 pp., 130 F.

Article réservé aux abonnés
publié le 21 mars 1996 à 2h27

D'où parle-t-on quand on critique la société? Quelle est la juste

distance qui donne à la critique sociale le plus de chances de se faire entendre? Michael Walzer convoque ici onze exemples ­ des intellectuels, des journalistes, des militants politiques, tous écrivains ­, non pas pour construire un modèle de critique transhistorique, mais au contraire pour montrer, à travers une série de variations sur un même thème, les interprétations toujours inédites d'un rôle lui-même changeant à travers les époques. Julien Benda, exalté et optimiste, ouvre le siècle, Antonio Gramsci, Ignazio Silone, Martin Buber et Albert Camus se débattent avec les dilemmes de l'engagement, Herbert Marcuse ou Michel Foucault annoncent déjà la fin de la critique sociale. Cependant, Michael Walzer ­ professeur à l'Institute for Advanced Study de l'université de Princeton ­ n'estime pas inévitable la disparition de l'«Ancienne et Honorable Compagnie» et trace même le portrait des consorts des temps à venir.

D'après Julien Benda, l'intellectuel critique vivra séparé du monde, s'occupera de vérités éternelles et laissera l'ordinaire aux politiciens et soldats. Ce dualisme radical, l'Américain Randolph Bourne ne le partage pas. Du moins à ses débuts. Défenseur du mouvement ouvrier et des nouveaux immigrants, il s'était désolidarisé de l'Eglise, mais pour mieux épouser la «promesse américaine». Jusqu'à ce que les Etats-Unis entrent dans la Première Guerre mondiale. Pacifiste, Bourne décrira désormais l'intelle