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Critique

Demande à ta Mère. S'appuyant davantage sur les mythes que sur l'histoire, un austère magistrat suisse du siècle passé démontre la primauté historique du matriarcat. Discutable.JOHANN JAKOB BACHOFEN Le Droit maternel, Recherche sur la gynécocratie de l'Antiquité dans sa nature religieuse et juridique. Traduit de l'allemand et préfacé par Etienne Barilier. L'Age d'Homme, 1 384 pp., 280 F.

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publié le 11 avril 1996 à 4h21

Peut-on expliquer un mythe? Peut-on raisonnablement comprendre

pourquoi, au XIXe siècle, un patricien conservateur de Bâle, honorable professeur de droit romain à l'université et juge sévère de la cour d'appel de la même ville, a écrit le Droit maternel, qui veut démontrer la thèse scandaleuse d'un pouvoir des femmes ayant historiquement précédé celui des hommes? Des mythes on peut reconstituer la structure, démonter le fonctionnement, mais jamais donner la raison. On peut aussi les utiliser pour en fabriquer de nouveaux, comme a fait Johann Jakob Bachofen, dont le Mutterrecht (le droit maternel) est sûrement un mythe, imposant. Walter Benjamin a pu le comparer au Capital de Marx et à l'Origine des espèces de Darwin; l'anthropologue Malinowski en a fait sa bible, et plus récemment, les féministes de toute tendance la leur. Etienne Barilier vient de le traduire pour la première fois en français, cette montagne (plus que 1 300 pages!) ayant probablement découragé les amateurs.

Johann Jakob Bachofen naît à Bâle le 22 décembre 1815. Il est prénommé comme son père; sa mère a 19 ans. La famille Bachofen est parmi les plus en vue de la ville. Le petit Johann Jackob baigne dans la culture et apprend le latin dès l'âge de 8 ans. A la suite de la guerre civile de 1833, les aristocrates perdent du pouvoir et Bachofen commencera à haïr les révolutions en général et les guerres civiles en particulier. En 1835, il est à Berlin pour faire des études de droit, qu'il poursuivra à Göttingen (1