Méconnue, sinon inconnue des dictionnaires de philosophie ou de littérature, la mémoire de Jacques Esprit vient d'être réhabilitée par Pascal Quignard, qui en a réédité la Fausseté des vertus humaines, précédé d'un Traité sur Esprit. La Fausseté des vertus humaines est la seule oeuvre de Jacques Esprit, publiée tout juste avant sa mort en 1678. Né le 22 octobre 1611, sa vie se situa exactement à la jonction de celle des philosophes René Descartes et Nicolas Malebranche le premier n'avait qu'une quinzaine d'années de plus que lui, et le second sera plus jeune de vingt-cinq ans. Au-delà du hasard biographique, la sensibilité intellectuelle de Jacques Esprit se situe à équidistance entre l'audace et la rébellion de Descartes et l'«esprit de système» du cartésianisme christianisé, dont Malebranche fut le célèbre représentant.
Comme Malebranche le sera quelques années plus tard, Jacques Esprit fut reçu à la congrégation séculière de l'Oratoire en 1629 mais comme Descartes l'avait fait au collège jésuite de La Flèche, il fuira ce Séminaire au terme de quelques années, préférant se lancer dans le monde. En cette première moitié du XVIIe siècle, Jacques Esprit a sacrifié tout son talent philosophique à la critique des prétendues «vertus humaines» autrement dit, à des questions purement «mondaines», et imperturbablement, «lorsque la fausseté est acquise, lorsque la vertu humaine est morte et que le masque est à terre, commence un court éloge de la grâce divine qui clôt brusqueme