Toronto, envoyé spécial.
Pour Timothy Findley, la littérature est avant tout un enjeu, le lieu de bataille décisif où se noue à chaque page le sort même de son existence. Une confrontation ultime où plane, omniprésente, l'ombre de sa propre folie, une ombre envahissante, déjà présente dans son enfance: «Ma génération a été celle dont l'enfance a été interrompue par la guerre. Nous avons grandi durant cette période, privés de toute vie normale. Nos parents étaient à la guerre. Nos villes bombar-dées. Et une partie du genre humain mourait à Auschwitz. Notre enfance s'est achevée avec Hiroshima. Nous sommes sortis de cette période avec cette impression qu'on avait dû endurer de voir des gens faire souffrir d'autres gens et d'être impuissant à ce que cette tragédie cesse».
Pendant longtemps, la vie de Findley s'apparenta à une existence confuse, toute en ruptures et en fêlures, en tentatives d'apprivoiser son désordre mental et sa sexualité trouble à coups de bouteilles de scotch. Né dans une famille bientôt ruinée par le krach boursier, il connaît une adolescence perturbée qui s'achèvera par sa fuite hors des institutions scolaires afin de devenir acteur ou danseur. Commence alors une vie débridée, itinérante, un jour posant comme modèle, le lendemain engagé pour des tournées de province ou pour un rôle dans une série télévisée, vie de bohème passée à parcourir le globe, de Toronto à Londres, de Dresde à Moscou, et ponctuée par des rencontres décisives: celle d'Alec Guinness, a